Les odeurs assaillant les sens, l'agent marchait à une cadence accélérée, esquivant de peu chaque badeau qui osait marcher dans le sens opposé. Il réprimait des jurons, comptant les secondes qu'il perdait à chaque fois. S'il devait échouer ou arriver en retard, il savait que les conséquences pouvaient être catastrophiques. Percy connaissait très bien l'ennemi, cette force presque naturelle qui détestait les retards et qui avait un sacré revers du droit, pour l'avoir essuyé de nombreuses fois. Il s'était confronté à des cartels, à des monstres et des tueurs en série, mais cette personne-là ... elle paraissait souvent plus dangereuse que l'ensemble des menaces de la galaxie. Et il avait un rencard avec elle. Merde. Ca devait simplement être une relation très occasionnelle pour donner de la saveur et de la forme à Ika'ar, et il se retrouvait à avoir des rencards, à aller aux bains Twileks et à des boites de nuit ? La vie du contrebandier, pleine de vices, de luxures, d'excès, contrastait avec la vie asceptisée, austère et froide de l'agent. Et pourtant il se sentait à l'aise dans les deux peaux. Comme un costume qu'on changeait avant de se rendre à une seconde fête. Il pouvait sentir le blaster froid le long de sa hanche, à moitié camouflée par la veste ample qu'il portait. Apparemment, c'était la dernière mode chez les contrebandiers, mais il restait très mitigé.

Il s'arrêta devant le lieu du rendez-vous, une cantina bien moins fréquentée que les plus célèbres de la ville médiane, mais plus tranquille. Il y avait moins de risque de croiser une personne qui aurait pu reconnaitre les contours rigides du visage du républicain. Un coup d'oeil rapide à son holopad lui indiqua qu'il était encore dans les temps mais qu'il allait commencer à en manquer. Encore un juron de réprimer, et il passe les portes qui s'ouvrent avec un chuintement étouffé. Un large escalier descend en colimaçon et il débouche rapidement dans une grande salle, avec différentes personnes éparpillées un peu partout. Un groupe jouait un des derniers tubes à la mode dans les régions centrales dans un des coins de la pièce, sans réel enthousiasme. Le gérant n'avait pas du dépensé énormément de crédits pour ça. Il connaissait déjà l'endroit après quelques repérages, les différentes sorties, angles morts, conduits de ventilation, tout ce dont il avait besoin de savoir si les choses tournaient mal. Et il pouvait toujours justifier ça avec la paranoïa presque rampante chez les passeurs de marchandises illégales. La touffe de cheveux qui tombait en cascade autour d'une chaise indiqua rapidement la position de son ... amante ? partenaire ? compagne ? Il abandonna l'idée de donner une caractéristique définitive à la femme, et s'y dirigea d'un pas svelte, arrivant dans son dos. « Je vous sers quelque chose, miss ? »Il sourit et leva les mains rapidement. « Avant que tu ne dises quoi que ce soit, un contrebandier n'arrive jamais en avance ni en retard, il arrive précisément à l'heure voulue. » Il s'installa en face d'elle et prit une de ses mains dans la sienne. « Hey. »

L'ambiance de la cantina laissait un goût amer à Percival. Peut-être qu'il avait mal choisi l'endroit au final ? La décision était apparue comme la moins risquée, avec le peu de gens de la haute qui fréquentait ce genre d'endroit, des personnes qui auraient pu le reconnaître. Et dans le même temps, même si Xayah lui permettait de renforcer sa couverture, il n'était pas forcément très à l'aise de la mettre dans les viseurs du Soleil Noir. Attends. Depuis quand avait-il des états d'âmes comme ça ? Ce n'était pas la première fois qu'il mettait une innocente en première ligne pour servir ses propres intérêts et ce ne serait sûrement pas la dernière fois. Il croisa un regard entre un barman et elle, un mon cal, et il secoua la tête pour chasser les images monstrueuses que cela pouvait conjurer. Non pas qu'il pouvait juger, il avait eu sa part d'extraterrestres dans son lit, mais le regard torve du mon cal avait quelque chose en plus qui le dérangeait. Quand il était arrivé, Xayah était comme à son habitude plongée dans son holo, perdue dans tout ce qu'elle avait à gérer. Il avait été surpris au départ, pensant qu'une personne chargée de la publicité n'aurait pas tant de choses à gérer quotidiennement mais elle avait été inflexible et catégorique pour lui prouver le contraire. Cela faisait partie de son charme.

Son ton presque impatient, avec un sous-entendu subtil, faisait aussi partie du charme de la dame. Et il avait pris l'habitude d'être de l'autre côté de ce ton subtil. « A vrai dire, ils finissent presque tous par me tirer dessus. Mais je suis assez souple et agile pour éviter le drame. Ou alors je tire en premier et le problème ne se pose pas. » Il sourit en pensant à quel point il était imbuvable, a quel point il détesterait cette personne si elle se trouvait en face de lui. Elle fit un signe pour désigner une foule absente et fantôme autour d'eux. « J'ai toujours été surpris par ta capacité innée à attirer les hommes autour de toi. C'est sûrement ta joie de vivre qui se transmet autant. Je ne sais pas comment je vais faire pour gagner ton attention aujourd'hui. » pour être honnête, il avait été surpris de savoir qu'elle n'avait pas de partenaire alors qu'il avait presque été frappé par sa prestance lors de leur rencontre. Au fond, elle n'était pas froide, juste très peu portée sur les effusions d'affections, les démonstrations publiques et outrancières. Ce qui convenait parfaitement à Percival. Il sent sa main pressée contre la sienne, et elle lui rend une légère pression. Ce n'était pas beaucoup, mais c'était suffisant pour eux. « Ce n'est pas difficile de ne pas tomber sous ses charmes ! Une paranoïa ambiante, des ruines, des radiations, des rumeurs de monstres sanguinaires, une lutte de classe flagrante, et des crédits à la pelle à se faire. Je me sens comme à la maison. » Il se rapprocha d'elle avec un air un peu plus sérieux pour elle, mais qui aurait pu passé pour un air détaché pour des inconnus. « Juste un problème de fournisseur qui refusait de payer, on a discuté et on a trouvé un arrangement. » Un des contacts avait refusé de laisser échapper des informations et il avait du utiliser la manière forte pour le faire craquer. Ses phalanges criaient encore à la mort dans ses nerfs. « Alors, qu'est-ce que tu veux faire de cette belle journée ?» Alors qu'il disait ça, il remarqua un individu rentrer dans la cantina, et son cerveau vira à l'alerte rouge. Merde. Le gars connaissait son visage d'une autre couverture. Quelles sont les putain de chance que ça arrive ? Sa main glissa sensiblement sur son blaster, se préparant à toute éventualité.

Finalement, le rendez-vous avait réussi à bien démarrer, malgré l'arrivée presque tardive du contrebandier. Ils en étaient même à échanger des plaisanteries, des piques, et ca semblait facile. Facile de prétendre et facile d'y croire pendant un court instant. Mais quand il laissait son coeur se plaire à imaginer des élans et des espoirs, sa tête et son pragmatisme rappellait le palpitant à l'ordre. Après tout, elle n'était qu'une experte des relations publiques. Elle ne comprendrait pas ce qu'il faisait et pourquoi il le faisait. Et pourquoi il lui avait menti. Ou alors elle comprendrait parfaitement. C'était peut-être l'idée la plus terrifiante. Et si elle comprenait ? Si, à son poste au sein de la République, elle arrivait à comprendre les sacrifices et les horreurs qu'il devait commettre ? Si elle pensait comme lui ? Alors quoi ? Y avait-il une possibilité pour que son vrai visage puisse émerger ? Après tout, il y avait des facettes d'elles qui lui rappelaient ce qu'il était. Un côté pragmatique et froid qui contrastait avec la facade plus chaleureuse qui craquait parfois - rarement - même en présence de l'autre. La brune secoua la tête face à la pique après un ricanement, comme un refus. « Oh ? Et qu'est-ce que tu vas faire à ce sujet ? » Il prit une gorgée en gardant ses yeux fixées sur Xayah.

La conversation dévia sur la planète sur laquelle ils se trouvaient. La ravagée Taris, dévorée de toutes parts par les ambitions grandissantes de chaque groupe en présence. Il savait qu'il devait réussir à séparer la vision qu'il avait de Taris grâce aux renseignements républicains et la vision que pouvait en avoir un contrebandier comme les autres. Il écoute l'avis de la brune attentivement, tout en paraissant à moitié distrait. Ne jamais manquer une occasion de récupérer des infos, même la plus petite. « Je ne suis pas surpris, malheureusement. J'ai vu des trucs du genre sur d'autres planètes, comme Nar Shaddaa. Mais ca gangrène tellement la République qu'il n'y a rien à faire tant qu'ils ne décideront pas de prendre des décisions radicales.  » C'était vrai, il restait persuadé qu'une partie de la classe dirigeante de la République profitait de l'organisation de la pègre. Pour la majorité, pour leur profit personnel. Certains s'étaient sans doute convaincu que la présence d'une pègre était une nécessité pour garder les territoires les plus éloignées sous un certain contrôle. Des conneries, selon lui. Il se rendit compte qu'il avait peut-être frappé un peu trop près de ses vraies opinions, le regard perdu dans le vide, avant de se reprendre et d'afficher le sourire charmeur du contrebandier. « Ne t'inquiètes pas à ce sujet, les esclavagistes me débèctent. » Un point ingénieux du background d'Ika'ar, qui avait de mauvais souvenirs avec certains esclavagistes - construits sur des évènements organisées par le SIS. Il haussa un sourcil et se pencha vers Xayah, baissant légèrement la voix. « C'est toi l'experte en relations publiques, à toi de me dire. »

Et venait cet individu. Il avait du mal à le replacer. Il savait qu'il l'avait déjà vu, sous un autre nom, et c'était un souci. Il pouvait le tuer sur place, prétexter qu'il avait une arme ou l'avoir reconnu comme un tueur recherché, le SIS pourrait fabriquer quelque chose, mais les créations sur le chaud et le tard étaient rarement les plus convaincantes. Peut-être qu'il ne se rapprocherait pas ou n'oserait pas venir lui parler. Eeet il venait de parler en leur direction. Fait chier. Il pouvait sentir le regard inquisiteur et brulant de Xayah se tourner vers lui, comme si elle cherchait à pénétrer son esprit. Il garda ses yeux rivés sur le nouveau venu, en répondant d'une voix douce. « Je n'ai pas beaucoup d'amis. Et ceux qui prétendent l'être en sont rarement. » Il déclipsa son blaster et le posa ostensiblement sur la table. « Tu es assez proche l'ami. Si on se connait, tu dois savoir que me déranger pendant un rendez-vous, c'est pas une bonne idée.  » L'homme n'avait pas l'air de saisir la menace explicite.Donc c'est un con. Il tapotait doucement le blaster, son attention toujours rêvé sur l'homme. « Mais si, Ash, tu m'avais engagé pour un coup sur Tatooine avec les Steel Pikes ! » Tatooine et les Steel Pikes ? C'était il y a des années, il était encore un agent néophyte, les souvenirs étaient flous. Réflechis, réflechis, penses à des réponses cohérentes. Il se demanda comment il avait pu être si idiot. Il aurait du être au courant des gens qui pouvaient le connaitre içi. Il afficha un sourire poli. « Je porte plus ce pseudo, c'était une époque où j'étais jeune et con. Et les Pikes ? Je ne roule plus avec eux depuis des années et des années, t'es plus à jour mon gars. Ils ne payaient pas assez donc je suis à mon compte maintenant. Ravi de t'avoir revu mec. » Et il se reconcentra sur Xayah. « Alors, on tente le casino du coup ? »

« Allez mec, laisses-moi te payer au moins un verre, au nom du bon vieux temps.  » Percival se leva d'un bond, approchant son visage de l'oublié. « Mec, je le dirais qu'une seule fois, laisses-tomber. C'est du passé. Profites de la cantina » Et il lui plaqua un peu de crédit dans les mains. Il s'approcha de Xayah. « On peut changer d'endroit ? Un peu trop de parasites à mon goût ici. » Alors qu'il allait se diriger vers le barman pour payer l'addition, il sentit une main sur son épaule, trop masculine pour être celle de Xayah. Et il vit rouge. Autant le contrebandier - à qui on rappelait un passé embarassant et sans doute traumatisant - et l'agent, qui avait besoin de se défouler après s'être rendu compte qu'il avait été idiot et qu'il avait fait une erreur. Il poussa l'homme par terre et pointa son balster vers lui. La voix du barman résonna. "EH ! PAS DE CA DANS MA CANTINA !" Il soupira avant de rengainer, lancant une autre bande de crédits au barman. « La prochaine tournée est sur moi, boss. » Et il attendit de voir si Xayah était prête à partir, sans jeter un dernier regard au gars prostré par terre, qu'il entendait se relever doucement.